Un projet audacieux
Manon regardait l’immeuble qu’elle occupait. Elle se souvenait comment elle était arrivée à édifier le projet commun avec la Mairie. La trentaine, cheveux bouclés, d’allure sportive, elle savait qu’il y avait encore du pain sur la planche. Comptable, elle en avait eu assez de la bureaucratie.
Elle avait étouffé en elle-même quelques dernières pensées négatives. Y repenser ne servait à rien. Elle s’était empêtrée dans une aventure sentimentale sans lendemain, elle se devait de tourner la page.
L’air exhalait les premières effluves du printemps. Elle s’était renseignée auprès des Mairies pour chercher un emploi dans des régions qui ne manquaient pas de charme.
Un matin, une enveloppe émanant d’un village de la Creuse. Les accords nécessaires, le voyage, l’installation dans sa nouvelle vie. Le tout n’avait pris que quelques mois.
Les yeux verts rivés sur la façade en décrépitude, de la maison qu’elle occupait actuellement ne la décourageait pas.
Le travail de réfection serait bientôt en chantier. Et la pierre du pays, sous la peinture actuelle, jaillirait de toutes ces années, passée à l’ombre des splendeurs d’antan.
Munie d’une palette, Manon avait fait l’essai de désintégrer cette couleur affreuse, affadie par le temps, près de la double fenêtre du rez-de-chaussée et ceci avec succès. C’est ce qui l’avait décidé à redonner de la beauté à cet endroit blotti dans le village même, près de l’école communale.
Lorsqu’elle avait débarqué, c’était encore du style « Louis-caisse ». Nullement désolée de devoir rompre avec certaines traditions locales, aidée en cela par diverses associations des alentours, elle avait ajouté à ce point de vente où elle travaillait d’autres diversifications commerciales.
En ce moment même, seul parvenaient au village endormi dans une douce chaleur printanière, le bruit des outils utilisés par les ouvriers installant au-dessus de la double porte d’entrée, l’enseigne : « Chez Manon ».
Dans son magasin, elle en voyait du monde. Le matin la livraison de la presse, le pain et autres viennoiseries et friandises livrées en accord avec un autre artisan du coin. Elle avait aussi conclu des contrats avec les fermes avoisinantes distribuant également les produits frais du terroir local. Pomme de terre, fruits et légumes.
Depuis peu elle s’était lancée dans la confection de confitures. La saison s’annonçait pour leur fabrication artisanale, mais elle n’avait pas pu résister à l’envie de déjà débuter avec de la gelée de pommes, une recette de sa grand-mère.
La porte s’ouvre, les clochettes tintinnabulent.
– Bonjour Manon, dit une maman revenant de l’école avec son petit garçon.
– Tout va bien Madame Gaudron ?
– Oui, oui, Tom a bien réussi son petit contrôle de mathématiques répondit-elle toute fière. Le gamin lui ne s’intéressait qu’aux bonbons et les reluquait en tirant le bras de maman.
– J’ai une question à vous poser Manon. Votre projet d’eau-de-vie de poires tient-il toujours ?
– Oui bien entendu, ainsi que celui de cerises et de quetsches
– Ah ! Je ne connais pas du tout, qu’est ce ?
– Encore ma grand-mère lui répondit Manon en souriant. Elle était belge, et tenait avec ses parents le long de la Meuse à Liège, une grande épicerie familiale.
– Vous voilà devenue Manon l’épicière, lui répondit la jeune maman en souriant. Dans le village, nous sommes si contents de votre venue et surtout de cette initiative.
Les deux femmes éclatèrent d’un rire franc et joyeux. La vie dans ce coin perdu reprenait de nouvelles couleurs, celles de l’espoir.
© freesia 24-03-2013 * Les allusions à la grand-mère sont authentiques. Ma grand-mère était effectivement Liégeoise et ses parents tenaient aussi une grande épicerie bourgeoise le long de la Meuse.
Je remercie Kling ou Geneviève également d’avoir posté un texte avec les mots cités ci-dessus.
Voici le lien :
http://kling38.wordpress.com/2013/03/26/chez-filamotss-n-2/
Elle a traité le sujet avec énormément d’humour et de fantaisie. Merci Geneviève pour ton atelier, et de l’avoir fait en catimini m’a bien fait rire, coquine que tu es 🙂
Bisous.
bel atelier, j’adore toujours lire les ateliers, ils ne sont tous uniques
bonne soirée
bisous
Mandrine
Bonsoir Mandrine,
Là je suis entièrement d’accord, et c’est ce qui fait leur diversité. Pour tous des histoires différentes. Quant à ces petits villages laissés à l’abandon, lorsque je vois un reportage à ce sujet, je suis triste pour l’âme de ceux et celles qui y sont passés, et où ils ne restent que les vieilles pierres comme seul témoins du passé.
Bon dimanche de Pâques 🙂
Bisous
J’aime beaucoup!!Ils sont si importants, ces petits villages! Belle histoire pleine de souvenirs!
Bonsoir Michèle, Une histoire inventée avec une inspiration de projets entrevus et entendus à la télé. C’est quelque chose que j’aurais aimé faire. 🙂
Personnage important dans la vie de tout ce village ! Merci Bises
Oh que oui ! Et lorsqu’un tel établissement ferme comme nous pouvons l’entendre souvent aux informations, toute la vie du village s’arrête. C’est bien dommage, et triste. J’aurais aimé avoir plusieurs vies en une seule 😉
Bisous.
C’est génial de pouvoir repartir dans une autre voie, changer de vie, de rythme, belle idée de texte.
Bises
Oui cela peut se faire, suffit de retrousser ses manches et d’être plus jeune 😉 Sinon c’est tout à fait possible.
Que c’est agréable de te lire Geneviève ! C’est vraiment, vraiment superbe ce texte ! J’aime énormément ! Bonne soirée à toi en toute amitié,
Bisous.
Merci Colette. En fait cette histoire aurait pu être celle de mon mari et de moi-même au début de notre mariage. Nous en avions parlé de ce projet et avions écrit un peu partout. Tout cela suite à un reportage télé. Depuis lors des initiatives personnelles, très dures pour commencer. Un chômeur s’était installé, travaillant dur toute la journée pour ne gagner quasiment rien la première année. A ce moment là j’avais dix ans de moins.
Une ambiance que tu as bien su retranscrire , bravo . Pour les eaux de vie nous sommes bien servis c’est vrai que les quetsches sont un peu la spécialité ici avec la mirabelle et pas mal de locaux ont conservé leur droit de bouilleur de cru .
Bonne journée
Bisous
Oh Gisèle ! Tu me fais penser aux délicieuses mirabelles que nous avions dans jardin à Pons en Charente-Maritime, lors de notre petite détour d’un an et demie dans cette région magnifique. Quant aux quetsches, oui elles sont une spécialités de chez vous, de l’Alsace et aussi bien connues en Belgique du côté de Liège. Nous en faisons de l’eau de vie.
oui une belle histoire ! mais je te vois plus ! bisous, au fait j’ai un ti blem wordpress si tu peux m’aider, est ce que tu t’y connais ? je voudrai t’envoyer un mail
bisous
Bein oui ma Julie, je vais en effet venir chez toi 🙂
Gros bisous à toi. Je t’envoie un mail également. J’espère que tu le recevras.
Geneviève
Très très belle histoire
Bonjour Mich,
Je viendrai très bientôt lire tes textes en attente de lecture.
De gros bisous et merci de ta visite.
une belle histoire qui fait revivre de bons souvenirs avec la grand-mère
Merci flipperine, 🙂 Tu n’as pas de blog ? J’aurais aimé venir te rendre une petite visite.